L’examen des parcours des différents protagonistes impliqués dans la création et les premières années du PCF dans la Loire montre une diversité de situations que l’on peut très sommairement partager en trois tranches d'âge qui correspondent à trois types d'expérience sociale.
Les courtes présentations qui suivent, reprennent les en-têtes des notices biographiques du Dictionnaire du monde ouvrier, le Maîtron. Je vous conseille vivement d’aller lire les biographies complètes sur le site (cliquer sur chaque nom).
Ils ont entre 40 et 50 ans, ils ont connu la guerre, ils ont une grande expérience politique à la SFIO ou à la CGT. Ils condamnent l'union sacrée et soutiennent les ouvriers. Certains sont des syndicalistes pacifistes Ils soutiennent la création du PCF mais très vite se trouveront en opposition avec les premières orientations de celui-ci. Ils le quitteront ou en seront exclus dans les cinq premières années avec une exception notable, le cheminot Ferdinand Chevalier qui sera le fer de lance de la bolchevisation du PCF. Parmi eux :
LAFONT Ernest [LAFONT Louis, Ernest] - 41 ans -
Né le 26 juillet 1879 à Lyon IIIe arr. (Rhône) ; mort le 9 mai 1946 à Paris VIIe arr. ; avocat à Saint-Étienne (Loire) ; militant du Parti socialiste unifié (SFIO) dans la Loire ; secrétaire fédéral du Parti communiste (1920-1923) ; fondateur de l’Union socialiste communiste ; maire de Firminy (1912-1919), conseiller général et député de Firminy.
Né le 26 avril 1880 à Saint-Étienne (Loire), mort le 22 mai 1963 à Saint-Étienne ; cafetier avant 1914, puis imprimeur à Saint-Étienne ; militant socialiste, directeur de L’Action ouvrière et paysanne, organe du Parti socialiste SFIO puis du journal socialiste Le Peuple de la Loire en 1919 ; adjoint au maire de Saint-Étienne (1919, 1935), conseiller général (1919) et député de la Loire (1924).
LE GRIEL Charles, Jules, Edmond, Albéric, Jacques - 36 ans -
Né le 8 mai 1884 à Castres (Tarn), mort le 20 juin 1963 à Saint-Étienne (Loire) ; avocat ; militant socialiste puis communiste ; exclu du Parti communiste en 1932 ; adjoint au maire de Saint-Étienne.
LORDURON Henri [François] - 42 ans -
Né le 23 août 1878 à Montvicq (Allier), mort probablement en 1942 ; ouvrier maçon ; syndicaliste révolutionnaire, secrétaire de l’Union départementale CGT, puis CGTU de la Loire (1920 -1924).
Né le 7 avril 1873 à Saint-Étienne (Loire) ; conducteur-chef à la Compagnie du PLM ; militant syndicaliste de la Loire.
DUBOUCHET Pierre, Antonin, Jean, Marie - 32 ans
Né le 9 mars 1888 à Saint-Étienne (Loire), mort le 26 avril 1956 à Saint-Étienne ; passementier à Saint-Étienne ; conseiller prud’homal ; militant socialiste ; membre de la loge maçonnique « Les Élus » ; président de l’amicale laïque du quartier de Tardy et membre de la Société « L’Églantine » du quartier Raspail, vice-président des Œuvres postscolaires de la Loire ; conseiller municipal de Saint-Étienne.
CHEVALIER François, Ferdinand - 47 ans -
Né le 4 mars 1873 à Bédarrides (Vaucluse), mort en 1952 à Bédarrides (Vaucluse) ; cheminot ; premier secrétaire du rayon communiste de Roanne, considéré comme le fondateur du Parti communiste dans cette ville ouvrière à tradition socialiste, joua un rôle important dans tous les combats menés par le mouvement ouvrier de l’arrondissement de 1920 à 1928 ; militant du Vaucluse dans les années 1930.
Âgés de 20 à 30 ans, ils ont commencé leur expérience sociale à la fin de la guerre et se sont engagés dès le début contre l'orientation réformiste de la CGT et acceptent les relations syndicat/parti imposées par l’Internationale communiste. Dans leur majorité, ils vont être les futurs cadres de la CGTU et du nouveau parti communiste. Parmi eux :
Né le 13 mai 1893 au Chambon-Feugerolles (Loire), mort le 4 août 1975 aux Bordes (Loiret) ; ouvrier métallurgiste ; secrétaire de la CGTU de 1933 à 1936 ; secrétaire de la CGT de 1936 à 1939 ; secrétaire général de la CGT de 1945 à 1967 ; président de la CGTde 1967 à 1975
Né le 22 septembre 1896 à Unieux (Loire), mort le 1er juillet 1985 au Puy (Haute-Loire) ; ajusteur ; secrétaire de l’UD-CGT unifiée de la Loire en 1936 puis de l’UD-CGT à partir de la Libération ; membre du bureau régional du Parti communiste (1938) ; député de la Loire (1956-1958).
Né le 28 mars 1899 à Givors (Rhône) ; mort le 23 février 1932. Instituteur à Terrenoire, puis à Saint-Étienne (Loire). Militant communiste ; secrétaire du rayon de Saint-Étienne, puis secrétaire régional (1932).
FAURE Pétrus, Marius, Frédéric - 29 ans -
Né le 11 octobre 1891 à La Ricamarie (Loire), mort le 10 novembre 1985 au Chambon-Feugerolles (Loire) ; ouvrier mineur, puis métallurgiste ; militant et historien du mouvement ouvrier dans la vallée de l’Ondaine ; maire communiste, puis socialiste du Chambon-Feugerolles (1924-1940, 1947-1971), conseiller général de la Loire, député (1932-1940) ; directeur de l’Association Générale Professionnelle du Bâtiment et des Travaux Publics.
RAMIER Barthélemy, Pierre, Louis [alias "Eugène" pseudonyme de Résistance] - 21 ans -
Né le 3 juin 1899 à Saint-Étienne (Loire), exécuté sommairement le 12 juillet 1944 à Servas (Gard) par les Waffen SS de la 8e compagnie de la division Brandenburg ; ouvrier métallurgiste ; secrétaire de la région de la Loire du Parti communiste et membre du comité central ; résistant FTPF de l’Ardèche et du Gard.
BUARD Claudius, Adolphe - 20 ans -
Né le 7 février 1900 à Firminy (Loire), mort le 12 septembre 1978 ; instituteur, puis directeur d’école à Saint-Étienne (Loire) ; membre du comité de la fédération communiste de la Loire (1945-1954). Membre des Amis de l’URSS ; trésorier adjoint de l’Union départementale CGT unifiée (1936) ; conseiller municipal de Saint-Étienne (1945-1958) ; conseiller général (1945-1958) ; conseiller de la République (1946-1948).
BONNEFILLE René [BONNEFILLE Charles, René] - 28 ans -
Né le 14 septembre 1892 à Betheniville (Marne), mort le 17 septembre 1972 à Roanne (Loire) ; militant syndicaliste unitaire et communiste, Bonnefille fut de la création du Parti communiste roannais en 1921 jusqu’aux années 1960, un propagandiste particulièrement actif, et joua, surtout dans les années de l’après-guerre, un rôle important dans la vie politique roannaise.
THÉVENOUX Marius, Noël - 22 ans -
Né le 1er novembre 1898 à Chatelus (Allier), mort le 28 mai 1976 à Roanne (Loire) ; militant communiste et secrétaire du syndicat unitaire de l’Arsenal.
NEVERS Jean-Baptiste - 26 ans -
Né et mort à Roanne (Loire) : 21 mars 1894-22 février 1972 ; secrétaire du syndicat unitaire de la Bonneterie de Roanne (Loire) de 1922 à 1925 ; secrétaire du rayon communiste (1932).
Âgés de moins de 20 ans à la création du PCF, ils vont mener leurs luttes dans la nouvelle jeunesse communiste notamment dans les campagnes anti-guerre. Ils soutiennent la bolchevisation et la mise à l'écart des anciens notables socialistes. Parmi eux :
Né le 22 février 1904 à Saint-Étienne (Loire), mort le 15 avril 1967 à Paris (VIIe arr.) ; cheminot, puis représentant de la Société Électro-technique française, à Asnières ; demeurant à Saint-Étienne (Loire), puis à Paris ; militant communiste, secrétaire du comité de rayon de Saint-Étienne, secrétaire fédéral des Jeunesses Communistes rédacteur ; rédacteur au Cri du Peuple (1928-1930) et à l’Humanité.
FOLLET Louis, Étienne, Eugène. Pseudonymes : MONTBARS, MOUSSY - 22 ans -
Né le 6 avril 1898 à Vievy (Côte-d’Or), mort le 24 mars 1957 à Izieux (Loire) ; ouvrier fondeur ; dirigeant communiste de la Loire puis de la Région lyonnaise, dirigeant communiste et syndicaliste du Puy-de- Dôme (1929-1935), membre du comité central du Parti communiste (1926-1929), exclu du PCF en 1935.
TIQUET Claudius, Marius - 20 ans -
Né le 1er juillet 1900 à Saint-Romain-le-Puy (Loire), mort le 12 décembre 1980 à Roanne (Loire) ; verrier dans la métallurgie puis le bâtiment ; militant syndicaliste ; militant communiste ; résistant.
BILLOUX François. Pseudonymes : LAUDIER, FAUDET, LECLAIR ; ROCHE, Roger, JOSEPH (dans les planques), LERO H. (dans les Cahiers du bolchevisme) - 17 ans -
Né le 21 mai 1903 à Saint-Romain-La-Motte (Loire), mort le 14 janvier 1978 à Menton (Alpes-Maritimes) ; employé ; militant socialiste puis communiste ; secrétaire général de la Jeunesse communiste en 1928-1930 ; membre du comité central du Parti communiste puis du bureau politique et du secrétariat ; député des Bouches-du-Rhône de 1936 à 1940 et de 1945 à 1978 : conseiller municipal de Marseille de 1945 à 1947, et de 1953 à 1971 ; commissaire d’État au Comité français de Libération nationale (CFLN), puis au gouvernement provisoire en 1944 : ministre de la Santé publique, puis de l’Économie nationale, puis de la Reconstruction et de l’Urbanisme, et enfin de la Défense nationale entre 1944 et 1947.
TAULEIGNE Régis, Jean, Camille - 17 ans -
Né le 29 décembre 1903 à Terrenoire (Loire), mort le 19 novembre 1956 à Saint-Jean-Bonnefonds (Loire) ; ferblantier-chaudronnier, puis employé de commerce ; membre du Conseil des Prud’hommes ; secrétaire du rayon communiste de Saint-Étienne, conseiller municipal et adjoint au maire de Saint-Étienne..
"PROLÉTAIRES de tous les pays, unissons-nous". "L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes ». Inscrites en lettres blanches sur des calicots de couleur, les deux phrases qui concluent le célèbre MANIFESTE COMMUNISTE de KARL MARX et FREDERIC ENGELS dominent la tribune de la salle du Manège où va se dérouler, à partir du 25 décembre 1920, le 18ème Congrès National du Parti Socialiste. La section de TOURS a sommairement aménagé les lieux. « Estrade de bois blanc sur tréteaux, maténel loué à un limonadier, tables et chaises pliantes en fer. Quelques guirlandes au plafond. Aux murs des portraits de JAURES".
L'ordre du Iour du Congrès est capital : le Parti Socialiste {S.F.I.O. : Section Française de l'Internationale Ouvrière, ou IIème Internationale) doit-il adhérer à l'Internationale Cornrnuniste ou lllème Internationale) qui s'est constituée, à l'initiative de LENINE, en mars 1919 ? Tel est le sens de la motion présentée par MARCEL CACHIN et L.O FROSSARD qui avaient assisté, à titre consultatif, au 2èrne congrès de l'Internationale Communiste, en juillet 1920. En face, deux motions : celle de LÉON BLUM qui signifie le maintien dans la llème Internationale ; celle de JEAN LONGUET qui signifie également Ie maintien dans celle-ci, mais avec l'espoir de Ia « reconstruire ». Lorsque s'ouvre Ie Congrès, toutes les Fédérations ont déjà voté et les délégués se sont vus confier des mandats impératifs. Autrement dit, les jeux sont faits quant à l'orientation du Parti. A une très forte majorité, il s'est prononcé pour la Illème Internationale. Par contre, ce qu'on ne sait pas avant le Congrès, c'est si la minorité restera au Parti Comrnuniste ou fera scission.
S'il n'est pas question ici de revenir Sur les débats passionnés qui vont opposer, dans la salle du Manège, partisans et adversaires de l'adhésion (2). Intéressons-nous surtout aux représentants du département de la Loire qui ont pris place à la gauche de la salle avec les délégués soutenant la motion CACHIN-FROSSARD. En effet, les 285 délégués, porteurs de 4.575 mandats, se sont groupés selon leurs tendances.
En cette année 1920, la Fédération de la Loire du Parti Socialiste recense 2.506 adhérents. Elle en cornptait 1.065 en 1913, avant le déclenchement de la première guerre mondiale, 425 seulement en 1918, 1 700 en 1919. Les effectifs du Parti ont donc progressé sensiblement, mais cela correspond à un phénomène national. En juillet 1914, le Parti Socialiste comptait 93.000 membres, mais à la fin de la guerre, en 1918, 34 000 seulement demeurent inscrits. En quelques mois, 100.000 nouveaux adhérents rejoignent ses rangs, si bien que les 96 fédérations représentées à TOURS totalisent ainsi près de 180.000 membres Cela explique que la Fédération de la Loire qui se trouvait au 17éme rang, en 1913, demeure au 18ème en 1920, malgré le gain d'environ 1 500 cartes Deux délégués la représentent au Congrès de TOURS avec 68 mandats : il s'agit de FERDINAND FAURE et JOANNES PIEGAY. On observera que le secrétaire de Ia Fédération, le camarade DELHOMME n'a pas été délégué.
FERDINAND FAURE, àgé alors de 40 ans, est déjà un politicien chevronné. Clerc de notaire dans sa jeunesse, puis imprimeur, il est le fondateur et le directeur du Iournal « LE PEUPLE". En 1919, il est élu Premier Adjoint au maire de Saint-Etienne, puis Conseiller Général de la I oire. Déjà, il a été délégué au Congrès de STRASBOURG (février 1920). C'est donc un homme en vue dans le Parti Socialiste. D'ailleurs, le Congrès de TOURS le désignera à la présidence des séances des 25 et 29 décembre C'est FERDINAND FAURE qui interviendra dans le débat, au nom de la Fédération de la Loire, expliquant pourquoi celle-ci a accordé la totalité de ses 68 mandats à la motion CACHIN-FROSSARD.
Le deuxième délégué de la Loire, JOANNES PIEGAY, est bien moins connu, Né en 1884, il exerce, à CHAZELLES-SUR-LYON la profession de voyageur de commerce et n'a pas de mandat électif. Cependant, il aurait été délégué à de précédents Congrès du Parti Socialiste, notamment à NANCY en 1907. Par la suite, nous n'entendrons plus parler de JOANNES PIEGAY, alors que FERDINAND FAURE demeura longtemps au premier plan de la vie politique dans le département.
Un troisième représentant de la Fédération de la Loire se trouve aussi dans la salle du Manège, mais il n'a pas de mandat de délégué. Il est ici comme membre du groupe parlementaire socialiste. Il s'agit d'ERNEST LAFONT, Député-Maire de FIRMINY ERNEST LAFONT est un avocat, né à LYON en 1879. Il est inscrit au Parti Socialiste depuis 1904, mais c'est en 1912 {à 33 ans} qu'il devient maire de FIRMINY, puis Conseiller Général de la Loire. Député de la 4ème circonscription de la Loire 1914, il sera réélu en novembre 1919.
Lorsque la Chambre des Députés désignera une mission d'information en Russie, au lendemain de la chute du tsarisme (mars 1917), ERNEST LAFONT en fera partie avec MARCEL CACHIN et MARIUS MOUTET. LE 18 avril, cette délégation franco- britannique arrive à PETROGRAD où le Soviet de la ville a hissé un immense drapeau rouge. La délégation ne rencontre pas LENINE, mais elle peut vérifier dans Ies villes, les campagnes russes, mais aussi dans l'armée, la puissance du rnouvement révolutionnaire, la résonance dans les masses populaires du programme des Soviets : le pain, la paix, la liberté. ERNEST LAFONT, marié à une citoyenne russe, retournera en Russie en 1920. Demeurant membre du Parti après le Congrès de TOURS, il est dans les faits, le premier député communiste de la Lolre.
C'est dans la soirée du 29 décembre 1920 qu'interviendra le vote historique que l'on peut considérer comme l'acte de naissance du Parti Communiste Français. La motion CACHIN-FROSSARD que PAUL VAILLANT-COUTURIER a soutenue avec éloquence obtiendra 3 208 mandats contre 1 022 à Ia motion LONGUET - PAUL FAURE. On dénombrera 397 abstentions, parmi lesquelles sont comptées celles des partisans de LEON BLUM. Le discours de ce dernier devant le Congrès montre bien que les minoritaires refusent de s'incliner. BLUM s'est en effet écrié, «...pendant que vous irez courir l'aventure, ii faut que quelqu'un reste garder la vieille maison ». Dès le 30 décembre, BLUM, LONGUET, PAUL FAURE, RENAUDEL et leurs amis se retrouvent à l Hôtel-de-Ville de TOURS. Unissant leurs efforts, ils décident la scission. En fait, ils fondent, en la continuant, la S.F.I.O. "Durant des années, pour garder le Parti en mains, ils n'avaient eu que le mot unité à la bouche. Quand le Parti leur échappa, ils brisèrent son unité. Cette rupture, voulue et préméditée, ils en portent la responsabilité devant l'histoire".
La permanence du CEDMO42 pour les chercheurs et étudiants du MERCREDI, a repris de 14 h à 17 h, à son siège, 39 rue Camélinat à Saint-Étienne. Nous rappelons qu'elle est suspendue pendant les vacances scolaires.
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